MOREL Pierre-Louis "L'écriveur"
Lire c'est vivre
Ecrire c'est revivre
POÈMES LICENCIEUX ET IRRÉVÉRENCIEUX
* EDUCATION SEXUELLE *
(Août 1967)
Où est l’enfant qui savait crier maman
Où est l’enfant qui au milieu des pan-pan
Mêla aveuglément son regard naïf
Au rythme visqueux d’un sexe combatif
Où est l’enfant qui savait crier maman
Où est l’enfant qui avec d’autres enfants
Mêla sa bouche sèche d’impuretés
Au flot brutal d’odieuses inanités
Où est l’enfant qui savait crier maman
Où est l’enfant qui vit en grimaçant
Etreindre un amas de chair suffocant
Sous d’impudiques projecteurs haletants
Où est l’enfant qui savait crier maman
Où est l’enfant qui fut pris au jeu tentant
De combattre par la main l’oisiveté
D’un temps où l’amour n’est qu’irréalité
Où est l’enfant qui savait crier maman
Où est l’enfant qui osa impudemment
Plonger dans l’obscurité d’un délire
Où sang et sperme s’accrochent au plaisir
Il n’y a plus d’enfant et plus de maman
Le cow-boy a laissé les autres enfants
Pour aller vomir cet amas d’illusions
Sur la sueur d’un corps suintant d’émotion
* LE PUCEAU ET LA BOMBE *
(Octobre 1967)
Cent-dix têtes nucléaires, un sous-marin.
Cent-cinquante mégatonnes, un pays.
Quarante-cinq secondes de préavis.
Clochers, c’est l’heure de sonner le tocsin !
Une lueur aveuglante, un bruit sourd.
Des cloches se taisent tandis que d’autres
Tristement marmonnent des patenôtres
Qui s’enlisent dans un brouillard chaud et lourd
Il a vingt ans et il ne veut pas mourir
Il est seul, son père et sa mère sont là-bas
Il est seul et pourtant il veut rester là
Il a vingt ans et n’a pas eu son plaisir
Ici l’on souffre, ici il veut jouir
Et qu’importe s’il doit marcher sur les morts
Lui il vit, il a vingt ans, il a un corps
Alors il vient chercher sa part de plaisir
Là une femme à demi-dévêtue
L’enivre de ses fétides exhalaisons.
Ses yeux sont fascinés par ce giron
Qui semble n’avoir jamais eu de vertu
Le visage rongé de lubricité
Une vielle dans un ultime hommage
A Eros l’agrippe au passage
Ses lèvres flasques le couvrent de baisers
Ses vingt ans lui refusent ce corps noueux
Il le repousse avec délicatesse
Et s’en va chercher une autre maîtresse
Qui lui offrira son sein libidineux
Qu’avez-vous tous à fuir, qu’as-tu à pleure r ?
Non , ne me laissez pas, je veux mon plaisir
Toi là-bas, viens, je te veux, je te désire
Allez la vieille viens, je vais te baiser !
* CIGARETTES, ALLUMETTES ET INSPIRATION *
(Janvier 1968)
J’ai pris une cigarette
J’ai pris une allumette
Et j’ai pris pour entreprendre
La Chose qu’on ne peut prendre
Au vil prix d’une intention
Comptant
J’ai regardé cette fumée
J’ai regardé ce cendrier
Et j’ai regardé pour chercher
La Chose qu’on ne peut trouver
Dans la capricieuse ascension
Présente
Je fixais quand je fus fixé
Par tout ce qui devait fixer
En moi un grand nombre de choses
J’avais le mot contre la Chose
Et non la Chose pour le mot
Déchosant
Humiliante fut la fumée
Alors je fumais humilié
Ainsi étais-je bête vraiment
Ou con plus poétiquement ?
Non, j’étais devant mon bureau
M’enchosant
Fallait-il donc m’embarrasser
De choses afin d’embrasser
Cette Chose pour laquelle
Je creusais la cervelle
A coups de putain de bon dieu
Innocents
Ainsi me faudrait-il crier
Ô mon enfance regrettée !
Ô mes tristes amours perdus !
Ô mes destinées inconnues !
Ô combien suis-je malheureux !
Et pourtant
Je n’ai plus de cigarettes
Et je n’ai plus d’allumettes
Je n’ai plus à entreprendre
Car j’ai pris sans pouvoir prendre
De rime en rime allant
Cette Chose en rimaillant
* LE PENDULE DE L'AMOUR *
(Février 1968)
Dédaigneux venait-il à peine de serrer l’angle
Sur le rythme goulu et charnu du sein qu’on étrangle
Qu’il se mit pudiquement à battre la chamade
Sur les spasmes exaltés d’une immortelle tirade
Complice des petites fleurs et des petits oiseaux
Propice à la grandiloquence de ces petits mots
Qui difficilement dégorgés mais bien arrosés
Transforment la confession en aveux des plus osés
D’aveu en aveu et de zig en zag allant
Il laissa le zag à l’infortunée d’antan
Pour s’en aller faire le zig sur la fesse
Rougissante d’une prétendue maîtresse
Mais bientôt la fesse fit banqueroute
Même plus le bénéfice du doute
Alors dans une soudaine impulsion
Il s’élança pour quérir l’émotion
Des atours d’un immuable toujours
Se sacrifiant au compte à rebours
Vint le temps des allers-retours
Où s’use la peau du tambour
Mais bientôt il fallut
An nom de la vertu
Troquer la triste élue
Contre une dévolue
Et nier le révolu
Avec tous les cocus
Laissons les A
Des grands-papas
Ave Maria
Et son visa
C’est ainsi que le pendule s’amortit
Au fil des jours mais bien plus au fil des nuits
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